Une des premières fake news de l’histoire vendue aux enchères à Bruxelles

La maison Arenberg Auctions vend aux enchères le très convoité catalogue de Renier Chalon, datant du 19e siècle

12 octobre 2023

Qui s’imaginait que les fake news dataient d’aujourd’hui ? Rien n’est moins vrai ! L’une des premières infox de l’histoire date de 1840 et est vendue aux enchères par la très réputée maison de ventes bruxelloise Arenberg Auctions. Cet ouvrage qui fait partie de la succession de Renier Chalon, intitulé Catalogue de la bibliothèque du comte de Fortsas, est un canular du début à la fin. Le prix de départ est évalué à quelque 4 000 euros, et ce n’est pas une blague !

Spécialisée dans les illustrations, les manuscrits et les livres rares, la maison de ventes bruxelloise Arenberg Auctions propose de plus en plus souvent des ouvrages uniques. Mais le récit du fameux faux catalogue de Chalon est incroyable. Considéré comme un phénomène dans les cercles bibliophiles, Renier Chalon voit le jour en 1802 à Mons. Diplômé en droit, l’homme était érudit : il était passionné par les livres, et c’était un numismate réputé. Mais c’était également un joyeux vivant et un farceur invétéré.

Renier Chalon vivait à une époque où il convenait de se retrouver entre savants au sein de différentes ‘sociétés’, comme la Société des bibliophiles, au sein desquelles ces connaisseurs ou collectionneurs se retrouvaient en petit comité. Il y était de bon ton de se vanter de détenir un exemplaire unique d’une estampe ou d’une lettre rarissime de Marie-Antoinette à propos du roi guillotiné. C’est ainsi que ce farceur belge eut cette idée qui le rend encore célèbre aujourd’hui.

“Dans son ‘Catalogue d’une très riche, mais peu nombreuse collection de livres’, Chalon décrit minutieusement et très sérieusement une collection d’une centaine de livres rares issus de la bibliothèque privée du Comte de Fortsas : des titres en latin, en français et en néerlandais sur des sujets souvent absurdes comme l’étude de la consommation de haricots bruns chez les Indiens d’Amérique du Nord de 1750 à 1800. Cette collection d’ouvrages qui allait soi-disant faire l’objet d’une vente aux enchères était en fait un canular. Une supercherie en bonne et due forme qui lui valut sa renommée jusqu’à New York”, explique Henri Godts, expert de la maison des ventes Arenberg Auctions.

Un faux catalogue

Renier Chalon envoya son “faux” catalogue à plusieurs bibliophiles et libraires de Londres, Paris, Berlin et au-delà. La nouvelle de la vente d’une collection exceptionnelle le 10 août 1840 à Binche se répandit comme une trainée de poudre. Même le conservateur de la bibliothèque royale de Bruxelles tomba dans le panneau et demanda au ministre compétent de débloquer des fonds supplémentaires. Son budget annuel ne lui suffisait effectivement pas pour acquérir cette collection très convoitée.

“Des amateurs et des connaisseurs s’empressèrent d’aller à Binche en quête d’informations, mais, dépassé par la fébrilité soudaine qui s’emparait de tous, Chalon préféra intervenir”, ajoute Henri Godts. “Non pas pour reconnaitre que le catalogue était faux, mais pour annoncer laconiquement que la vente était tout simplement annulée parce que la bibliothèque de Binche avait acheté toute la collection. Il s’agissait bien sûr à nouveau d’une … fake news !”

Une perle rare

Chalon a réussi à duper tous les intellectuels de son époque. C’est pourquoi ce faux catalogue a suscité tant d’intérêt, même au-delà de nos frontières. Plusieurs livres ont été publiés sur le sujet, et le catalogue a été réimprimé plusieurs fois jusque dans les années 70 du siècle dernier : sur du papier rose, du parchemin et dans différentes langues.

Une grande partie de la collection, dont le faux catalogue, va être vendue aux enchères en deux temps par la maison des ventes Arenberg Auctions. Les 13 et 14 octobre prochains, plusieurs œuvres et ouvrages de Chalon seront proposés à la vente. La pièce maitresse, le faux catalogue que l’on pourrait qualifier de trumpien, sera, quant à elle, vendue aux enchères en décembre. Il y aura non seulement le manuscrit original, mais aussi les brouillons de Chalon sous forme de notes et de fiches ainsi que sa correspondance avec des amateurs belges et étrangers.

“Avec son ‘catalogue’ imaginaire et, en fait, bon nombre de ses autres œuvres, Chalon a inventé le surréalisme. L’on pourrait même considérer qu’il s’agit du premier manifeste surréaliste. Même les sociétés savantes qu’il créa à l’époque et qui se moquent des prétentions de certaines personnes ou de certains cercles témoignent d’un penchant pour le surréalisme”, conclut Henri Godts de la maison Arenberg Auctions.

De Louis-Paul Boon à Napoléon à Laeken

Les ventes aux enchères de la maison Arenberg Auctions, les 13 et 14 octobre prochains, proposent d’autres perles rares. Outre une partie de la collection de Renier Chalon, de nombreux livres et atlas anciens ainsi que la deuxième partie de la collection de Louis-Paul Boon seront aussi mis aux enchères, et notamment un acte de vente unique signé par Napoléon qui a permis d’empêcher le démembrement du domaine de Laeken.

Portant sur 900 lots au total, ces ventes susciteront indéniablement l’intérêt d’amateurs nationaux et internationaux.